Elle s’inscrit dans le cadre de l’ouverture au public du bâtiment Porteous, ancienne station d’épuration longtemps inaccessible devenue lieu d’occupation puis grand projet culturel, afin d’y préfigurer de nouveaux usages. Dans ce moment charnière, elle cherche à fatiguer d’avance les réflexes de catégorisation, d’assignation et de normalisation à l’oeuvre dans la transformation de tels lieux. Au contact du vandalisme queer de la philosophe Sara Ahmed, elle convie des mouvements bifurquants, et se pose en alliée des efforts de l’association responsable du lieu, qui milite pour l’invention des formes d’un projet culturel pour touxtes.
⇒Il se peut qu’il nous faille occuper un bâtiment ou une rue, qu’il nous faille en troubler l’usage ordinaire, qu’il nous faille nous mettre en travers de la manière dont cet espace est habituellement utilisé. Ou non-utilisé. Parfois, nous perturbons l’ usagepour attirer l’attention sur une cause que nous défendons.
Un monde sans prisons
Un horizon de partage
Parfois, inversement, c’ est l’interruption d’un usagequi nous enseigne les causes pour lesquelles nous nous battons.
Ainsi, quand tu fais usaged’un bâtiment inoccupé, tu deviens « une squatteuse »
⇒Il se peut que tu ne cherches pas à créer une perturbation :
⇒il se peut que tu ne squattes que parce que tu as besoin d’un abri.
Mais ce faisant, tu refuses en même temps une instruction, tout un manuel d’ instructions ✗ qui te disent qui peut entrer légitimement et comment.
Entrer dans une maison vide sans permission, tu le réalises alors, c’est faire une déclaration :
C’est déclarer que le droit de propriété ne justifie pas qu’une maisonreste vide.
Tu montres ainsi que la propriétén’est pas seulement un droitd’utilisation, mais aussi un droitde non-utilisation ; que la propriétéc’est un droitd’occuper non seulement le présent, mais aussi le futur.
Squatter peut aussi consister à occuper des espaces vacants d’une manière différente : investir, par exemple, les espaces laissés en jachère par la famille blanche bourgeoise par l’obsolescence d’une technique, questionner les normes d’ usagepour chaque pièce, ce que les corps peuvent faire en relation les uns aux autres ( ce à quoi sert l’ancienne salle de traitement thermique, la chambre, l’ancienne salle de chaufferie, ce à quoi sert la cuisine l’ancienne salle des filtres-presse, l’ancienne dalle des convoyeurs, l’ancienne partie pour l’évacuation. )
Squatter, c’est se demander, c’est re- demander, à quoi l’espace sert, c’est ne plus se sentir obligées d’utiliser chacune des pièces d’un bâtiment selon une règle prédéterminée.
⇒ ⇒ ⇒ §
Un élargissement des usagesest nécessaire étant données les restrictions qui leur sont imposées ; un changement dans la manière dont nous occupons l’ espace ; un changement qui affecte autant les personnes que les lieux.
Autant les imaginaires que les programmes. Autant les rêves que les murs. Changer les usages nous permet de parler du travail de la diversité : le travailque tu dois mener pour ouvrir les institutions à celleux pour qui elles n’ont pas été conçues.
Extraits de “Vandalisme Queer” Sara Ahmed. Traduit de l’anglais par Mabeuko Oberty et Emma Bigé pour la collective t4t – translators for transfeminism. Éditions Burn-Août, 2023.
Et donc : il existe des possibilités queers non seulement dans l’usage, dans la manière dont les matières sont employées quand nous refusons une instruction, mais encore dans le fait de n’avoir aucun usage.
Nous pouvons ramasser ces fragments. Nous pouvonstrouver d’autres manières de raconter l’histoire de l’usage et surtout de l’inutilité, l’ inutilitécomme espace nécessaire pour errer, pour varier, pour dévier;
⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒pour proliférer.