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Texte critique
Arrebentação,
zona de derrama last chapter de Catol Teixeira,
30.11.2024,
Pavillon ADC, Genève

La question des manières dont la danse fait trace soulève des enjeux de mémoire, de toucher – de mémoire du toucher. Nous ouvrons ici un espace d’écriture critique avec la danse : une critique qui ne cherche ni à trancher ni à classer, mais à prolonger le contact avec ce que des pièces font bouger en nous. Qui cherche à donner des formes aux textures affectives, aux intensités frictionnelles et aux bascules qui opèrent à travers l’expérience spectatrice. Dans cette pratique, nous cherchons aussi à comprendre ce que la danse peut faire au language et à ses normes. Comment le fait de dire les nuances qui émergent dans la pratique dansée nous confronte aux limites du language, des languages. Ces critiques se veulent des gestes d’attention, des “rehearsals” à la fabrication collective de récits non-linéaires, hantés, mineurs.

 

Ce texte porte sur Arrebentação – zona de derrama last chapter de Catol Teixeira.

Les danseureusexs sont déjà là quand nous entrons.

Iels rendent explicite, par cette présence, que ce à quoi nous assisterons ce soir n’est qu’un morceau de ce qui les occupe, avant et après la représentation :

 ⇒ ⇒ ⇒ leur recherche ;

 ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ leur être ensemble ; leur

 ⇒ ⇒ ⇒ ⇒ ⇒  study.

 

 ⇒ Les corps en aggrégat tendre, par terre. Jambes allongées, bustes relevés et bras qui cherchent les dos, les hanches des autres corps. Un ensemble de va-et-vient de

⇒⇒⇒⇒⇒⇒⇒⇒⇒ hoodies

en peluche, de capuchons. La chair est derrière, habillée, nous laissant arriver et observer sans faire de nous des voyeureusexs. Au-dessus des danseureusexs, une enceinte suspendue. Une autre, de l’autre côté de la scène.

 

Lumière diffuse.

 

⇒ Il y a en elleux, dans leurs modes de bouger, quelque chose qui excède ce que le regard est capable de capturer. De l’inframince : la pression du toucher, le micro-mouvement qui projette les autres vers l’avant. Dans le sillage du déplacement des corps naît un tracé de tour de scène qui perdurera pendant la première moitié de la pièce. Parfois, un corps se dégage, devant, se redresse et dessine les pas que ferait un corps solitaire, entraîné depuis toujours à la danse :

 

⇒⇒⇒ fuite ⇒⇒⇒ poursuite.

 

⇒ Le passé de la danse est ce qui est devant, l’espace d’un instant. Les habits veloutés sont abandonnés progressivement au profit de matières argentées et de bustes déshabillés. Chutes ralenties dans lequelles les corps se glissent. Quelles conséquences pour ces chutes qui se transforment en rebonds ?

 

Il faut remarquer le changement qui opère devant soi, et en soi, lorsque les gestes se durcissent, le rythme s’accélère, les corps se délient. Plus tard encore la musique s’arrête.

 

Salle rouge.

 

⇒ La lumière redessine nos attentions. Portés tendres entre deux corps, comme des colonnes vacillantes en déséquilibre maîtrisé. Les respirations deviennent des adresses, un rappel de l’intensité physique de la proposition. Un corps suspendu, maintenant, par un harnais, en fond de scène. Refus de la démonstration acrobatique, juste des débuts de ce que ça pourrait être. Le reste du groupe habite toujours le même mouvement de vague qui butte et recommence, mais debout. Traversée de la scène comme pousséexs jusqu’à la dispersion.

 

⇒⇒ Swirls and splashes.

 

⇒ Rendez-vous entre tous les corps est trouvé au pied du mur de fond de scène. Calme, à nouveau. Les cinq corps alignéxs nous font dos. Iels jouent le va-et-vient, sorte de traduction physique du murmure qui s’échappe de leur collective. Aimer regarder partir le geste, se demander où il commence et où il se termine, observer comment la relâche s’incarne. Du fond de scène à l’avant-scène,

⇒⇒ comment les gestes se déposent. Allers-retours diffractant le mouvement.

Des singularités se dessinent, que le travail de nos regards opéré par la pièce nous permet de lire comme reliées. Quelque chose dans cet être-ensemble intangible appelle et déploie dans notre présent un futur à habiter.

We future.

 

La lumière meurt.

 

Mais la musique perdure encore un moment. Le temps de se faire à l’idée de nos devenirs-autre impliqués dans ce projet.